Il ne porte ni chapeau ni imperméable, ni paire de lunettes fumées. Pourtant, Gérard Prêcheur est un espion. Mercredi 28 mai, ce quinquagénaire aux cheveux poivre et sel a fourré jumelles, stylos et carnets dans son sac de voyage avant de monter dans un avion à destination de Washington. L’ancien directeur de l’Institut national du football (INF) de Clairefontaine (2010-2013), temple de la préformation à la française part en mission aux Etats-Unis afin de superviser les matchs amicaux disputés par le Honduras, 30e nation au classement FIFA et premier adversaire des Bleus lors du Mondial, le 15 juin à Porto Alegre.
Son périple chez l’Oncle Sam a débuté jeudi 29 mai par un Honduras- Turquie (0-2) organisé dans la capitale fédérale. Il se poursuivra dimanche 1er juin à Houston (Texas) où les "Catrachos" rencontreront Israël. Enfin, Gérard Prêcheur traînera ses guêtres sous les palmiers de Miami (Floride) où la sélection d’Amérique centrale affrontera l’Angleterre de Steven Gerrard et de Wayne Rooney. "Je suis déjà allé au Honduras en février-mars pour observer son équipe nationale, confie l’actuel responsable du Haut niveau féminin à la Fédération française de football (FFF). J’ai aussi visionné les matchs qualificatifs du Honduras dont celui qu’il a remporté (2-1) au Mexique, en septembre 2013. "
Le 15 juin, un match de Coupe de France?
Selon Gérard Prêcheur, la "Bicolor" sera "une formation très difficile à jouer." "Toute la nation sera derrière son équipe, estime le Lorrain. Pour les Honduriens, le premier match face à la France sera le plus important. C’est un adversaire fort athlétiquement et qui a un énorme mental. On peut se retrouver dans une configuration Coupe de France avec un match où un club de Ligue 1 peut être surpris par une équipe de CFA ou de National. "
Au terme de sa tournée américaine, le technicien se rendra directement à Saõ Paulo puisque les Catrachos ont établi leur camp de base près de la mégapole. A l’Arena Corinthians, il supervisera le match d’ouverture du Mondial entre le Brésil et la Croatie, "deux adversaires potentiels des Bleus", explique-t-il. "Je suivrai en tout huit matchs dont ceux de l’Argentine, de la Bosnie, et la rencontre Allemagne-Portugal, poursuit-il. Il y aura trois observateurs de la DTN qui superviseront des matchs pour le staff des Bleus. Un d’eux suivra la rencontre Suisse-Equateur (les deux autres adversaires de la France au sein du groupe E). Je réaliserai des rapports que je rendrai avant le premier match des Tricolores contre le Honduras."
"Mon objectif est d’évaluer les domaines de l’adversaire qui pourraient nous mettre en difficulté sur les plans individuel, collectif, défensif et offensif, détaille Gérard Prêcheur. Les grandes sélections ne peuvent pas se passer d’un superviseur. Il y a un fort pourcentage d’incertitude. L’objectif numéro 1 est donc de partir sur un match à l’extérieur face à une nation qu’on ne connaît pas avec 5,10,15,20% d’incertitude en moins par rapport aux 30 à 40% habituels. Un match peut basculer sur un coup de pied arrêté. Didier Deschamps attache beaucoup d’importance à ce travail de supervision. Même si un entraîneur s’appuie d’abord sur la force de son équipe. C’est comme aux échecs, on déplace ses pions en fonction de son adversaire."
Une carrière d'espion entamée sous Domenech
Cadre de la Direction technique nationale (DTN) reconnu pour sa compétence dans les domaines tactique, de la formation et de l’évaluation, l'ex-joueur du CO Puy, qui fut également l' entraîneur du FC Valence ( dans la Drôme... pas en Liga espagnole), supervise les adversaires de l’équipe de France depuis l’automne 2009. "J’ai démarré sous Raymond Domenech, développe-t-il. J’avais supervisé à deux reprises l’Irlande avant le barrage qualificatif au Mondial 2010. Ca s’était bien passé et j’ai donc continué. J’étais également en Afrique du Sud lors de la Coupe du monde. J’ai ensuite travaillé avec Laurent Blanc et son adjoint Jean-Louis Gasset. J’ai surtout collaboré avec ce dernier qui était en charge des adversaires des Bleus. Puis, j’ai travaillé avec Didier Deschamps et je suis satisfait. "
"C’est une fonction plaisante, enrichissante, avec des aspects très intéressants, assure Gérard Prêcheur. On garde le contact avec le très haut niveau. En tant que formateur, je suis attaché au détail et à la performance individuelle. Ma mission est d’avoir un regard collectif, tactique. J’ai été notamment en Géorgie et en Biélorussie, deux adversaires des Bleus lors des phases qualificatives à la Coupe du monde 2014. C’est un travail qui prend beaucoup de temps."
Assis incognito en tribune, l’espion du staff tricolore analyse un certain nombre de paramètres comme "les écarts entre les lignes, l’animation du jeu, le jeu sans ballon." "J’interviens en appui du montage vidéo qui sera diffusé au sélectionneur, précise celui qui fut, au début des années 2000, directeur du Centre national de formation et d’entraînement du football féminin (CNFE). Je décrypte ce qu’on ne voit pas à la vidéo. On ne peut pas tout voir mais le but est de regrouper les infos, les statistiques des joueurs et de les faire remonter."
Durant la compétition, le quinquagénaire fera des sauts de puce depuis Ribeirao Preto, où les Bleus établiront leur camp de base. "Je resterai au Brésil tant que la France sera en lice, glisse-t-il. J’espère partir autour du 10 juillet…"
Commentaires